Gerrit Rietveld avait une réponse toute faite pour celles et ceux qui se plaignaient du confort de ses chaises. « Si vous êtes fatigué, allongez-vous. »
Quand on voit la chaise rouge et bleue et la chaise Zig Zag du concepteur de mobilier et architecte néerlandais, on comprend aisément qu’elles ne sont pas faites pour s’y prélasser. Un modèle plus confortable, la chaise Crate, est remise en vente depuis le 16 février par l’éditeur danois Hay.
« Ce n’est pas un hasard si nous rééditons ce modèle. Je connais peu d’autres objets qui soient plus proches de notre philosophie, à travers laquelle nous défendons une vision démocratique du design. Avec sa collection Crate, Gerrit Rietveld a voulu créer une ligne de mobilier cool, abordable et open-source », explique le cofondateur de la marque, Rolf Hay.
« Ce n’est pas un hasard si nous rééditons ce modèle. » – Rolf Hay, cofondateur de l’éditeur Hay
La chaise Crate de Gerrit Rietveld : un design de crise
Gerrit Rietveld a conçu la chaise Crate en 1934. En ces années de crise économique, jeter quoi que ce soit relevait du sacrilège. Le créateur a donc réutilisé le bois des caisses de transport. Solide et bon marché. Quant à la structure de ces caisses, elle a inspiré le design. Gerrit Rietveld : « Pour éviter les dommages, les meubles sont expédiés dans une caisse dont l’armature simple et fine est très robuste. Il fallait bien que quelqu’un finisse par préférer le contenant au contenu. »
Avec cette chaise, Gerrit Rietveld devient un pionnier du recyclage, mais aussi du concept de meuble DIY. En effet, la chaise Crate est vendue avec les instructions pour la monter soi-même, une approche qu’IKEA adoptera en 1956. « C’est spécialement pour ses amis que Gerrit Rietveld a conçu la chaise Crate, précise Ida van Zijl, spécialiste de Gerrit Rietveld et conservatrice du Centraal Museum d’Utrecht. Pas très fortunés, beaucoup avaient néanmoins envie de s’offrir des meubles modernes. »
Gerrit Rietveld a ensuite convaincu le magasin de luxe Metz & Co de les proposer en kit avec une notice de montage. Bien que le directeur se soit d’abord offusqué, prétextant qu’il « ne pouvait pas vendre des bouts de bois », les meubles ont été ajoutés au catalogue en 1935. Ils y étaient présentés comme du mobilier pour les résidences secondaires, jardins d’hiver, chambres d’enfants. Le directeur semblait les considérer comme des pièces de second ordre.
La collection « Crate » a fait l’objet de nombreuses critiques, qualifiée de « pourriture commerciale » en raison d’une philosophie qui plaçait le design au-dessus de la fabrication. Son prix dérisoire a également suscité une vague de scepticisme. Le bureau Crate coûtait 16 florins, soit environ sept euros.
Une réédition attendue de la Crate par Hay
100, 150 cinquante maximum. « C’est le nombre d’exemplaires de la chaise originale », raconte Ida van Zijl.
Metz & Co a produit les meubles (une chaise, un fauteuil, une table basse, une bibliothèque et un bureau) jusque dans les années 60. Contrairement aux précédentes rééditions (infructueuses), dont une luxueuse version en hêtre réalisée par Cassina dans les années 80, la version de Hay reste proche de l’originale.
En simples planches de pin, elle est présentée sous forme de kit à prix abordable. La chaise, le fauteuil et les deux tables d’appoint sont disponibles en bois ou laqués en noir, blanc, gris ou rouge foncé. Gerrit Rietveld préférait le bois naturel. Pour les chaises colorées, il souhaitait que les planches soient d’abord peintes et ensuite vissées, afin que les vis ne soient pas cachées sous une couche de peinture. Une directive que Metz & Co n’a pas suivie. Hay, bien.
Mais les Danois se sont accordé une autre liberté : pour la chaise longue, ils ont fabriqué des coussins.
> Hay.dk et Rietveldoriginals.com
