Collectible 2023 : les 15 coups de cœur de la rédaction

A Bruxelles le 12 mars dernier, l’édition 2023 de Collectible, unique foire internationale de design contemporain de collection, s’est achevée. Nos rétines ont enregistré un vrai défilé de créations souvent coruscantes (comme un banc de coraux). Les designers les moins timides y évoluaient comme des poissons dans l’eau. Tous étaient pilotés sur place par des galeristes, des curateurs et des scénographes du même tonneau. D’où notre liste de courses post-confinement où l’on est économe sur les ressources mais pas sur la création.

L’heure est grave. Le salon de design contemporain Collectible a six ans. Il est passé au travers des confinements et de cette maladie répandue, la routine qui rend blasé. La nécessité de se renouveler n’attend pas le nombre des années. Collectible 2023 devait éviter de se répéter. C’est comme si le mot d’ordre était : « Tout sauf le côté « un peu chic, un peu design ». ».

Liv Vaisberg, co-fondatrice de Collectible, ne tient pas à faire une histoire sainte de la façon dont tout a commencé. Quand après un dîner, Clélie Debehault la contacte à plusieurs reprises en pensant qu’elles avaient plus qu’un quelque chose à faire ensemble, les deux cerveaux de Collectible n’habitaient même pas la même ville. C’est d’ailleurs toujours le cas !

Elles ont déménagé Collectible 2023 à Tour et Taxis, un lieu plus excentré que l’espace Vangeborght. A Tour et Taxis, Collectible a investi un écrin de choix dans le quartier historiquement le plus industriel de Bruxelles. « Pour présenter du design contemporain de haute facture, l’idée était d’avoir une scénographie différente de l’éternel white cube. Il fallait quelque chose qui procure aux visiteurs un surcroit de stimuli » explique Liv Vaisberg. Lequel stimuli s’ajoutait à ceux exsudés par les œuvres exposées.

Corpus Studio
Corpus Studio. Michèle Margot

Liv Vaisberg et Clélie Debehault ont donc fait appel cette année pour la scénographie au studio parisien Paf Atelier. Ses structures gonflables immaculées qui ornaient le plafond seront réutilisées par la suite.

Le parcours de Collectible 2023, élément stratégique s’il en est, a été conçu par Volfram Studio, ce qui a conditionné une déambulation assez naturelle parmi les stands, adaptée aux dimensions pas surdimensionnées de la manifestation. L’heure est à la fluidité. Les visiteurs passaient de la section Main dévolue aux galeries de design, d’architecture et d’art, à Bespoke dédiée aux studios indépendants travaillant notamment les matériaux innovants ou détournés.

Vue de Collectible 2023 à Tour et Taxis dans une scénographie du studio parisien PAF Atelier.
Vue de Collectible 2023 à Tour et Taxis dans une scénographie du studio parisien PAF Atelier. Michèle Margot

L’affaire se corsait avec Curated – What is your story ?, un espace résolument tourné vers l’expérimentation. La scénographie du duo de Heim-Viladrich Office servait littéralement sur un plateau d’argent une sélection internationale de designers émergents réunis par un comité de sélection, placé sous la houlette aussi débonnaire qu’acérée de l’artiste et designer anglo-argentin Leo Orta.

Les trois dernières sections étaient dévolues au mobilier d’architecte et de designers d’intérieur. L’architecte d’intérieur Nicolas Schuybroek s’est dans la première, chargé d’inviter pour la section Architect-Designer des auteurs de mobilier contemporain pratiquant ces deux métiers.

Dans la section New Garde, ce sont les nouvelles galeries, studios ou collectifs en voie de reconnaissance qui étaient mis en lumière. De ce point de vue, Collectible 2023 jouait plus que jamais son rôle de plateforme de diffusion.

Enfin sur les stands réunis autour de la notion-titre de Dialogue, ce n’est rien moins que l’histoire récente du design qui s’invitait sous forme de créations présentées par des exposants invités. Jean-François Declercq, Jimminy Cricket vibrionnant du design présent-passé-futur à Bruxelles, faisait renaître dans les esprits le travail des designers allemands eighties de Pentagon.

The Radford Gallery
The Radford GalleryMichèle Margot

Pour pimenter les choses, ce collectionneur invétéré ponctuait le tout d’une sculpture écarlate de l’artiste italien Agostino Bonalumi (1935-2013). C’est ça Collectible 2023 ! L’évènement demeure aussi un rendez-vous filtré mais tout sauf coincé.

Le comité de sélection comptait dans la diversité de ses membres cette année, le chef étoilé et DJ belge Nick Bril, la directrice générale du MAX Museum de Vienne, Lilli Hollein, l’architecte-designer belge Glenn Sestig et le Dr Paul Thompson, vice-chancelier du Royal, College of art. Un raout de gens qui savent, c’est nécessaire mais aussi qui bougent et créent, ce qui est essentiel dans toute manifestation contemporaine.

Les visiteurs eux-mêmes, pas seulement les collectionneurs, étaient invités lors de la Collectible Week à visiter des endroits aussi différents que le nouveau lieu bruxellois  de la galerie Maniera ou l’Atelier Jespers dans lequel Li Edelkoort et Philip Fimanno avaient réuni neuf designeuses textiles basées en Belgique.

Béton Brut présentait Benni Allan Low Collection
Béton Brut présentait Benni Allan Low Collection. Béton Brut

Dans cette profusion sélective, toujours à échelle humaine, il fallait choisir. Cela tombe bien, Collectible 2023 est fait pour ça.

1. Studio BISKT (Avenue du Roi)

Miroir Ayna Green Beige par Studio Bikst chez Avenue du Roi.
Miroir Ayna Green Beige par Studio Bikst chez Avenue du Roi. Avenue du Roi

Charlotte et Martin de Studio Biskt font rimer, en céramique, le simple avec le sublime. Leurs miroirs Ayna au cadre composé de quatre éléments en céramique extrudé donnent l’impression d’avoir devant soi un objet de collection chiné. Alors que nous sommes devant un bel exemple de design contemporain.

2. AMCA OVAL

Stand d’AMCA OVAL à Collectible 2023.
Stand d’AMCA OVAL à Collectible 2023. Amca Oval

Adrien Caillaudaud et Alexis Martial, designers de AMCA OVAL, caracolent à cheval entre le design et la mode. Leur paravent Aurora se compose d’éléments modulaires imbriqués à retrouver en pied de table basse. Sous leur tapis Vibrations, fruit de l’artisanat marocain, l’ensemble zappe le religieux revival des années 70 pour en synthétiser juste l’énergie graphique.

3. EdxxKat

Siège Alien de EdxxKat
Siège Alien de EdxxKat. EdxxKat

Beaucoup de couleurs à Collectible 2023, notamment du rose entre l’indien et le fuchsia. En témoigne la chaise Alien de Eduard Eremchuk et Katy qui donne l’impression de s’asseoir sur un bloc de cire découpée qu’elle peint ensuite au pistolet de cette couleur qui claque. L’effet est irréel sans que rien ne vienne faire obstacle à son confort premier.

4. Marija Puipaité et Vytautas Gecas (Galerija Vartai)

Console Romance and Gravity de Marija Puipaité et Vytautas Gecas sur le stand de Galerija Vartai.
Console Romance and Gravity de Marija Puipaité et Vytautas Gecas sur le stand de Galerija Vartai. Lukas Mykolaitis

Le cosmopolitisme foncier de Collectible nous fait retrouver Romance and Gravity, l’hybride entre console et corniche des designers lituaniens Marija Puipaité et Vytautas Gecas. Ils font partie, comme d’autres ici, des créateurs qui ne créent au présent et pour l’avenir qu’à partir des éléments élargis du passé. A bien observer cet objet volant non identifié, c’est comme si on se rappelait… qu’on ne l’avait jamais vu.

Une création hybride, entre console et corniche présentée par la Galerija Vartai
Une création hybride, entre console et corniche présentée par la Galerija Vartai. Galerija Vartai

5. Heim-Viladrich et Laurids Gallé

Laurids Gallée, siège Seedtime-side, 2023,
Laurids Gallée, siège Seedtime-side (2023). Heim+Viladrich

Les jeunes designers de 2023 collaborent volontiers. Dans une scénographie du duo Heim-Viladrich, le designer Laurids Gallée avait planté au sol l’un de ses sièges Seedtime-side. Sa peau vert pâle est imagée au point de faire oublier que ce petit meuble drolatique est en bois. A la surface, des petits dessins mettent en scène l’éveil du printemps dans la nature. Mais functional art oblige, on peut s’asseoir dessus.

6. Lionel Jadot

Siège Melt autoproduit par le designer belge Lionel Jadot à Zaventem Ateliers.
Siège Melt autoproduit par le designer belge Lionel Jadot à Zaventem Ateliers. Guy-Claude Agboton

Les sièges Melt du designer Lionel Jadot ne sont qu’uniques. Rien n’est plus intéressant dans ses quartiers de Zaventem Ateliers, tout près de Bruxelles, d’en découvrir plusieurs versions, réalisées en jéromite dans laquelle se fondent les déchets des ateliers de tout le bâtiment. On dirait parfois de merveilleux nougats XXL. Là Lionel Jadot a recherché tout le parti esthétique à tirer de la coulure et ça marche.

7. OHM Studio

Le pion de Studio OHM Paris, le clou de Collectible.
Le pion de Studio OHM Paris, le clou de Collectible. Studio OHM

Le beau siège Pion de OHM Studio participe du projet de design rondement mené. Il est simple, fiable, coloré et confortable. Chacun peut le commander sur leur e-shop. Mais de nouvelles couleurs sont sorties exprès pour meubler l’espace des talks de Collectible 2023. Chaque pièce était ensuite disponible à l’achat (préférentiel), à emporter une fois la manifestation terminée. Une très bonne idée !

8. Ciprian Tocu (Sinople Paris)

Promenade du Sud de Ciprian Tocu sur le stand de Sinople Paris à Collectible 2023.
Promenade du Sud de Ciprian Tocu sur le stand de Sinople Paris à Collectible 2023. Alexandra Mocanu

Au premier regard, l’attrait de la couleur fait tout. On ne devine pas forcément le grès dont est fait Promenade du sud-Vasques 1 mais très certainement ce vert 100% macha dont l’objet irradie. Avant même que les collectionneurs ne pensent à un usage possible pour ces deux pièces uniques, l’œil, hypnotisé, se repait jusqu’à l’ivresse de la couleur de l’objet.

9. Hemmo Honkonen

S’ouvrant en musique, le Cabinet Audible du designer fonlandais Hemmo Honkonen.
S’ouvrant en musique, le Cabinet Audible du designer fonlandais Hemmo Honkonen. Hemmo Honkonen

Plutôt que de se décider entre exercer l’architecture d’intérieur ou la lutherie, le designer finlandais Hemmo Honkonen a mêlé les deux dans le projet de réaliser ses impeccables audible cabinets. Une musique de jingle retentit, pas du tout enregistrée, de derrière la porte, dès qu’on l’ouvre. Le plus drôle, c’est quand la musique est digne des moments les plus dramatiques des films d’Alfred Hitchcock.

10. Samuel Acocceberry (SB 26 Paris)

La lampe Riger du designer français Sam Accoceberry.
La lampe Riger du designer français Sam Accoceberry. Alexandre Delamadeleine

Revoir à Collectible 2023 la lampe Rigel du designer Samuel Accoceberry ne doit pas surprendre. L’important ici n’est pas la toute dernière nouveauté ou le clou de la collection d’une marque. Il n’y en a pas à Collectible. Ce qui compte ici, c’est la singularité de l’objet, conception et réalisation, son côté petite symphonie d’acier et de verre destiné à émouvoir.

11. Arnaud Eubelen (Galerie Tableau)

Le stand de la Galerie Tableau à Collectible 2023.
Le stand de la Galerie Tableau à Collectible 2023. Trend Nomad

L’espace de la galerie Tableau à Collectible 2023 devait, selon son sémillant directeur créatif Julius V. Iversen être la maison de Barbie. Le designer Arnaud Eubelen, habitué à créer avec des matériaux de récupération d’origine industrielle, a déjoué ce qui aurait pu se révêler un piège. Son miroir reflète le rose ambiant mais présente aussi sur la surface du verre, l’intérieur de Barbie mais en mode shabby. Trop fort !

Le miroir d’Arnaud Ebelen reflétant à sa manière l’ambiance futuro-Barbie du stand de Tableau.
Le miroir d’Arnaud Ebelen reflétant à sa manière l’ambiance futuro-Barbie du stand de Tableau. Guy-Claude Agboton

12. Lukas Cober (St. Vincents)

Le stand de St Vincents sur le thème du résident éphémère.
Le stand de St. Vincents sur le thème du résident éphémère. Michèle Margot

L’idée de la galerie St Vincents à Anvers était de sertir son espace des pièces de design les plus propices à recréer l’éternel de l’intérieur domestique cosy. Le velours abonde et les meubles conversent entre eux. Ici, le designer Lukas Cober, de plus en plus connu pour son mobilier en résine verte, étonnait avec une table dont le plateau semblait en verre mais… était une nouvelle fois en résine.

13. Max Funkat

Le fauteuil Klinker 9V3 de Max Funkat dans la sélection du comité présidé par l’artiste Léo Orta.
Le fauteuil Klinker 9V3 de Max Funkat dans la sélection du comité présidé par l’artiste Léo Orta. Michèle Margot

Le fauteuil Klinker 9V3, c’est un peu le mur qui se transformerait en siège à coup de briques. Autant ce siège se compose presque comme on veut, autant l’objet est durable, comme promis à plusieurs sortes d’existence. L’objet pèse son poids, il est donc très stable. Son dossier balancé en arrière se révèle d’un confort de vraie chaise longue. Ceci n’est pas une pose.

14. Roxane Lahidji (Object with Narratives)

Une table en sel de la designer Roxane Lahidji, sur le stand d’Object with narratives.
Une table en sel de la designer Roxane Lahidji, sur le stand d’Object with narratives.Object with Narratives

Un style, un matériau, un processus de réalisation ? Non, la galerie Object with Narratives a tout simplement meublé une pièce de la maison, à savoir la salle à manger. Et de quelle manière, avec notamment une table qui ne manque pas de sel. C’est à partir de ce matériau inattendu que la designeure Roxane Lahidji, une des nombreux talents installés à Zaventem Ateliers en Belgique fait du mobilier, aussi fiable que de la résine. C’est ce qu’on appelle le functional art. Collectible 2023 en est le rendez-vous.

15. Kartini Thomas (Mia Karlova)

Sculptures Peanut Butter Jelly et Melting Koala de Kartini Thomas sur le stand de la galerie Mia Karlova.
Sculptures Peanut Butter Jelly et Melting Koala de Kartini Thomas sur le stand de la galerie Mia Karlova. Kartini Thomas

Sur le stand de la galerie Mia Karlova, une sélection de créations jamais intuitivement plastiques mais plutôt une sélection objets qui développent des sujets. La céramiste Kartini Thomas expose ainsi une galerie de joyeux monstres aussi coruscants que déconcertants. Le thème ? « La distance qui nous sépare de l’autre » nous explique la fille d’anthropologue à l’enfance nomade. Non pas que l’autre soit effrayant, juste que Kartini Thomas nous invite à mettre à l’aise notre regard pour entrer dans la différence, celle ici d’un autre langage de formes.


Article publié initialement sur ideat.fr

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