Pour durer, travailler en famille, c’est bien ; mais avoir une vision du futur, c’est mieux ! Dans le nouveau showroom parisien de la rue des Saints-Pères (VIIe), Carlo Molteni Junior, directeur général d’UniFor et petit-fils du fondateur, raconte : « Mon grand-père a vu dans le bureau un secteur d’avenir. UniFor est née d’une société qui existait déjà. Le système “Modulo 3”, conçu par les designers Bob Noorda et Franco Mirenzi, a été le premier produit présenté. C’était déjà du design contemporain. » En investissant l’univers du bureau, UniFor a contribué à développer et internationaliser le groupe Molteni. La marque a été la première de ses sociétés à miser sur le secteur du contract, et ce en dehors de l’Italie. IBM fut l’un de ses premiers clients importants. En 2019, trois nouveaux showrooms, à Londres, New York et Tokyo, ont ouvert leurs portes.
Le mobilier devait répondre à un besoin, mais aussi être beau. D’où, dès le départ, le recours à des architectes et designers. Sont sollicités des maestri tels que Tobia Scarpa, Marco Zanuso, Richard Sapper, Luca Meda ou Angelo Mangiarotti. Ce dernier est d’ailleurs l’architecte du QG d’UniFor à Turate, près de Côme. Là, dès les années 80, la mobilité au bureau est déjà un sujet d’actualité. Les plus grands architectes, de Norman Foster à Jean Nouvel, sollicitent le spécialiste pour équiper leurs projets. À plusieurs reprises, le mobilier conçu pour un chantier est devenu un produit iconique. Pour preuve, la table Less, de Jean Nouvel, initialement dessinée pour la Fondation Cartier.
L’architecte réalisera chez UniFor ses fameuses Tables au kilomètre et ses rangements Cases, développés de 1999 à 2013. Plusieurs Compasso d’oro récompenseront la marque italienne. La table Naòs, de Pierluigi Cerri, montre bien pourquoi : son plateau de verre est quasi invisible ! Les produits définissent de nouveaux types de meuble, tandis que les projets architecturaux eux-mêmes, comme la Qatar National Library (2018) par OMA, l’agence de Rem Koolhaas, deviennent, une fois meublés, des ambassades d’UniFor.
Une table aussi fine qu’une feuille de papier
Collaborer avec des maîtres du design et de l’archi est dans l’ADN du fabricant. Carlo Molteni Junior raconte : « Ce fut tout un processus. Nous travaillions avec de grandes sociétés qui sollicitaient d’illustres architectes, lesquels nous appelaient. Ils ont souvent eu d’excellentes idées, parfois difficiles à matérialiser. Quand Jean Nouvel est venu pour meubler la Fondation Cartier, parce que la façade était en majeure partie constituée de verre, il a dit à mon père : “Notre table doit être aussi mince qu’une feuille de papier.” L’idée était que, de l’extérieur, le passant ne voie qu’une ligne. »
On remarque aujourd’hui de plus en plus de tables fines, mais elles sont souvent plus épaisses au milieu. À un moment de l’entretien, Carlo Molteni Junior souligne : « En fait, n’ayant jamais vraiment cessé de vivre avec mon père, je réalise que la passion que nous mettons dans tout ce que nous faisons chez UniFor confine à l’obsession. Fabriquer du mobilier de bureau avec de grands architectes, c’est notre principal talent. Un travail opiniâtre pour trouver des solutions ou développer un processus de production, jusqu’à ce que le résultat nous semble à la hauteur. »
Pour ses 50 ans, UniFor sort TouchDown Unit, conçu par le jeune Studio Klass de Milan. Il s’agit d’un poste de travail personnel et mobile qui peut déployer certains éléments ou se refermer comme un coffre et capable de recharger un ordinateur portable ou un smartphone. Cette façon d’optimiser le travail dans un espace indéterminé, à l’aménagement temporaire, reflète bien l’époque. Celle-ci, cinquante ans après la création d’UniFor, mésestime toujours, à tort, la créativité du secteur des bureaux. Elle n’a pourtant rien à envier à celle qui œuvre au confort des living-rooms. Les bureaux ne sont-ils pas des lieux de vie à part entière ?
> À lire :« UniFor. Una Vocazione per l’Architettura » de Fulvio Irace, en anglais et en italien, éditions Skira.