Jusqu’au 31 décembre prochain, l’exposition “L’origine des choses” met à l’honneur l’artiste belge Edith Dekyndt. Cette dernière s’est emparée des 24 vitrines du passage de la Bourse de Commerce à Paris, réhabilitée par l’architecte japonais Tadao Ando et les agences françaises Niney et Marca Architectes et Pierre-Antoine Gatier.
IDEAT: Comment avez-vous pensé à cette intervention : un exercice particulier dans cet écrin ?
Edith Dekyndt : Je me suis penchée sur l’histoire du quartier parisien des Halles, et sur le sens de ces vitrines réalisées au XIXe siècle, quand la fabrication du verre s’est industrialisée et qu’on a pu en composer de grandes surfaces. Autrefois, la Bourse se situait sur le marché aux grains, à côté des Halles, très populaires. Avant que ne naisse la profession d’éboueurs, c’était les chiffonniers qui ramassaient les ordures, ils représentaient la classe sociale la plus inférieure. À partir de là, j’ai créé un lien entre cette circonstance et la notion de « rebuts », qui est depuis toujours au cœur de ma réflexion. La Bourse de Commerce a été bâtie au moment du processus de colonisation, celle des êtres et des choses représentées notamment dans la grande fresque du bâtiment. Chaque vitrine fait écho à la commercialisation du monde qui a débuté à cette époque et qui perdure aujourd’hui avec les conséquences que nous connaissons. J’ai choisi de montrer des objets accumulés depuis 30 ou 40 ans, et dont le statut se situe entre le ready-made et de l’artefact. Ils sont installés dans les vitrines comme des natures mortes, mais je préfère le terme anglais still life qui évoque des objets qui existent « lentement ».
IDEAT: Quel est votre fil de pensée ?
ED : Mon travail explore des objets en cours de processus, des matières venues du monde entier et dont on ne réalise pas nécessairement la provenance, quelquefois sujettes à caution, dans leur utilisation journalière. Ces objets se situent toujours dans quelque chose qui tient à la fois à la souillure et à l’ennoblissement. Ce sont des objets tombés, jetés, ramassés, trouvés, récupérés. Ils sont de toute matière : animale, organique, minérale, ou avec une prédominance de matériaux souples. Le lien entre ces choses forme le questionnement de ce qui est marchand, ce qui est consommable ou ce qui ne l’est pas. Dans cette exposition, je diffuse la pièce vidéo « Ombre indigène », réalisée en 2013 sur l’île de la Martinique, qui montre un drapeau de cheveux, devenu récemment viral avec le symbole du soulèvement des femmes en Iran.
IDEAT: Vos autres projets de l’année ?
ED : Ce printemps, je serai à Lecce, dans le sud de l’Italie en vue de la réalisation d’un musée d’art contemporain et à la rentrée, en septembre, je présenterai un tout nouveau projet à la galerie Greta Meert à Bruxelles.
> « L’origine des choses » : à la Bourse de Commerce – Pinault Collection, 2, rue Viarmes, 75001 Paris (FR), jusqu’au 31 décembre. Pinaultcollection.com