Dominique Pieters

Agence de voyage belge désignée pour les amateur·rice·s d’ar(t)chitecture, Planopli propose depuis huit ans déjà des escapades hors du commun à travers le monde. Ancrage local avec des journées découvertes à Gand ou à Roubaix et évasion lointaine avec 10 jours à Osaka pour l’Exposition universelle 2025, le programme invite à l’échappée créative. Le visage derrière Planopli est celui de Dominique Pieters, sa fondatrice, qui évoque avec nous son métier. L’offre de voyage de l’agence cette année ? Plus de Japon, et le Portugal du Nord. © JAO SMET

Planopli est un néologisme, mélange d’évasion entre plan, panoplie et pli(ssé). Pourquoi ce nom ?

Planopli organise des voyages d’architecture et « plisse » les guides, par lesquels un éventail impressionnant d’exemples architecturaux du XXe et du XXIe siècle sont élevés à un niveau supérieur. L’agence propose des itinéraires art-chitecturaux immersifs et éducatifs qui vont au-delà de la simple visite touristique, en fournissant un aperçu de l’histoire, de la conception et de la signification de l’art, des bâtiments et des espaces urbains.

Voir, entendre, sentir et goûter l’architecture : c’est ainsi que vous définissez cette agence ?

Notre offre de voyage s’articule autour de deux catégories : les voyages « curatés » proposés sur notre site internet et les voyages sur-mesure pour des couples, ou de plus grands groupes. Planopli se veut comme un partenaire d’escapades d’art et d’architecture, qui permet de ressentir sur place la lumière, le son, la matière des lieux. On permet d’entrer dans des maisons privées, ouvertes en exclusivité pour nos groupes, on visite des ateliers d’artistes… L’essentiel est d’offrir une expérience sensorielle, inscrite dans l’espace choisi. Cette année, nous avons déjà 17 voyages prévus et près de 20 voyages en commande…

Comment choisissez-vous les destinations proposées ?

Nous ne travaillons pas comme un voyagiste classique, même si bien sûr, nous tenons compte des tendances et des algorithmes d’Instagram en matière d’architecture. Nos deux grands axes de choix s’articulent autour des lauréats du prix Pritzker, ou selon que la ville à visiter accueille l’Exposition universelle ou bien les Jeux olympiques. Avec mon expérience de professeur d’architecture, j’ajoute aussi ma patte avec les destinations aux projets phares en matière d’architecture, comme par exemple le Brésil et les œuvres d’Oscar Niemeyer.

Les lieux incontournables, ceux qu’il faut avoir vus, sont-ils toujours le point d’orgue de vos voyages ?

Pour garantir une diversité et une qualité des endroits proposés, nous organisons toujours un voyage de repérage et de prospection en amont avec notre équipe. Ceci nous permet d’apprécier sur place la qualité, et l’intérêt des espaces que nous mettrons au programme. Nos guides sont toujours des professionnels de l’architecture, prêts à répondre à la moindre question. Aujourd’hui, notre équipe se compose de 10 personnes, tous des passionnés et des connaisseurs animés par une envie de partager l’amour de l’art-chitecture. Notre public est composé d’architectes, amateurs d’art et de culture, belges, plutôt néerlandophones, mais nous avons aussi des francophones et des Néerlandais. C’est très diversifié, ce qui permet de créer un réseau professionnel et souvent amical et de qualité.

Une destination lointaine que vous proposez en 2025 : le nord de l’Inde. Est-ce encore surprenant d’y trouver plusieurs œuvres de Le Corbusier ?

Il faut absolument voir Chandigarh, c’est un must-see pour tous les architectes du monde ! Le Corbusier a conçu la ville comme un corps dirigé par le complexe du Capitole (des bâtiments réalisés en 1947 et inscrits au patrimoine de l’Unesco, NDLR). Il a laissé l’interprétation de sa ville à Pierre Jeanneret, Maxwell Fry, Jane Drew et à des architectes indiens et indiennes militants de la défense du patrimoine tels que Manmohan Nath Sharma, Eulie Chowdhury, Mahendra Raj et Balkrishna Dosh (…) En voyant comment les différents secteurs ont évolué depuis leur conception, nous avons visité le cœur commerçant de la ville, appelé Sector 17, mais aussi Punjab University, le Gurdwara (lieu de culte) de la communauté Sikh et le Chandigarh College of Architecture. Après une nuit au Taj Chandigarh dans le Sector 17, nous nous sommes rendus au point culminant de ce voyage, au complexe du Capitole. Les sculptures des trois édifices principaux, le Palais de l’Assemblée, le bâtiment du Secrétariat, la Haute Cour et le Monument de la Main ouverte font souvent partie du programme de tout architecte, mais qui connaît la Tour d’ombres et la Colline géométrique ? Grâce à une visite intérieure approfondie qui nous a menés jusqu’au toit du bâtiment du secrétariat, nos voyageurs ont pu vivre l’expérience architecturale telle qu’elle a été conçue par Le Corbusier.

« Nous ne travaillons pas comme un voyagiste classique, même si nous tenons compte des tendances et algorithmes. »

Ahmedabad était-elle aussi une étape dans ce voyage ?

Oui, Ahmedabad (lire p. 154) regorge de brillantes architectures d’après-guerre. Le Corbusier y a aussi établi quatre projets et un master plan basé sur une ville ancienne. Ville de l’industrie textile, elle abrite la lauréate du prix Pritzker Balkrishna Doshi (récipiendaire du prix en 2018, l’architecte est décédée il y a deux ans, NDLR).

Sur le même continent, en Asie, vous allez emmener votre public de connaisseurs au Japon pour la visite de l’Exposition universelle 2025…

Ce voyage est très prisé car ce type de destination lointaine où la culture et la langue sont si différentes des nôtres est populaire. Chacun peut s’y retrouver et apprécier le lieu grâce au parcours et aux explications des guides. Seul, le Japon peut signifier l’inconnu. L’Expo 2025 (qui se tient du  13 avril au 10 octobre) donnera à voir une architecture spectacle, pas vraiment dans notre ligne éditoriale, mais la curiosité intellectuelle nous y a poussé.

Vous qui voyagez tellement, quelle est votre destination fétiche et refuge pour vous ressourcer ?

Sans hésiter le Mexique… L’art y est formidable, riche de culture ancienne et de dynamisme contemporain. L’architecture basée sur l’histoire pré-espagnole, les jardins flottants, les points de vue haut et bas, tout m’inspire là-bas. J’apprécie particulièrement le travail d’Alberto Kalach, un architecte mexicain d’un talent inné (lire IDEAT Benelux N°2). Aussi, les gens sont charmants et la nourriture exquise !

Que répondre aux critiques sur la dimension polluante des voyages et modes de transports actuels ?

C’est une question essentielle pour Planopli. Dans l’équipe nous sommes tous conscients que voyager pollue l’atmosphère. Mais, à notre échelle, nous tentons de minimiser notre impact. Par exemple, nous travaillons avec une société spécialisée qui nous permet de mesurer cet impact lors de nos voyages. Autre initiative, nous apportons toujours un cadeau aux architectes et artistes locaux qui nous reçoivent, nous travaillons en partenariat avec Redo Papers, une entreprise anversoise qui confectionne des carnets à partir de papier recyclé ; la couverture de ces carnets provient toujours d’une bâche d’exposition d’art, reconvertie. Nous voyageons avec des sacs de la marque berlinoise Freitag, qui utilise aussi des bâches et bouteilles en plastiques recyclés, et surtout, dès qu’un mode de transport polluant peut être remplacé par un autre à moindre impact, nous en profitons. Lors de notre prochain voyage à Gand en juin 2025, le mode de transport sera le bateau. Pour un futur voyage au Mexique, une journée sera consacrée à des visites à vélo. 

Quels sont vos rituels au retour d’un voyage ?

Simplement buller à la maison, je crois que le lieu de vie a une  influence incontournable sur la santé mentale. S’entourer de nature, de sa famille et vivre dans un espace qui me ressemble est précieux. J’aime la nature, courir dans les bois avec mon chien, admirer le paysage, surtout lors de nos vacances en famille au Danemark en été.

Que gardez-vous en vous, et sur vous, après un voyage ?

Je ramène un petit objet à chaque voyage, je consigne aussi toutes mes notes dans des carnets. Ensuite, j’écris des situations fictives, des histoires, des scénarios qui se déroulent dans les lieux que j’ai visités. Récemment une maison d’édition nous a contactés pour peut-être un jour les publier… Un autre voyage, celui de l’écriture pour bientôt ?