La maison rêvée de Lélia Demoisy

Artiste native de 1991, cette sculptrice crée des œuvres magistrales en bois. Repérée par Ruinart après avoir remporté le Prix Art Eco-Conception en France, elle plantera ses racines en Belgique à la foire Art Brussels du 24 au 27 avril dans le cadre de « Conversation avec la Nature », programme 2025 de la Maison en faveur de la réflexion sur la biodiversité. Six pièces, dont une commandée entrée dans la collection de la marque du groupe LVMH, et qui s’exposent parallèlement avec la galerie By Lara Sedbon. © Mathieu Bonnevie

Je travaille le bois en sculptures et en installations, c’est le volume qui m’attire. C’est avec le corps qu’on éprouve le poids et la taille des choses. Il y a donc une dimension très charnelle dans mes œuvres. Chaque matière raconte un parcours ; le bouleau ou le chêne parlent leur propre langage. Dans la campagne des Yvelines où j’ai grandi, je vis actuellement dans un village de 1 500 habitants. Évidemment, j’entretiens toujours passionnément mon jardin de 1 000 m², qui est entouré de forêts et de champs, et que je parcours quotidiennement avec Osis, mon berger allemand. Je rénove actuellement avec mon mari un garage situé juste de l’autre côté de la rue, pour en faire une maison atelier, avec une philosophie d’écoconstruction. Propriétaire de la bâtisse depuis deux ans, je prends grand soin des grands arbres du terrain et je vais bientôt y creuser une mare et planter des fruitiers, un arbre de Judée et des plantes vivaces pour tenir compagnie au grand hêtre rouge que je suis est en train de faire classer, aux côtés d’un immense magnolia. Je n’ai pas besoin d’une grande maison. Mais l’atelier sera plus vaste que l’espace d’habitation, car je travaille sur des sculptures grand format. Dans mon engagement d’écoresponsabilité, je récupère pour mon chantier des boiseries en seconde main qui deviendront notamment des planchers. Toute la maison sera construite de bois de récupération, en partenariat avec des élagueurs locaux, qui m’informent des abattages programmés dans le quartier. Je sonne donc chez mes voisins, et je leur demande si je peux utiliser le bois ! Ensuite, je le fais sécher dans mon atelier et je me sers toujours de l’histoire des matières que je trouve. Pour nourrir mon inspiration, j’ai effectué des recherches sur les maisons en ossature de bois, avec isolation en chanvre. Cela représente beaucoup de lectures techniques, dont le livre Le tour des matériaux d’une maison écologique, qui a été écrit par des architectes pour expliquer comment bâtir sa maison avec des éléments au maximum naturels. La botanique est une passion qui m’est propre dans ma famille, et j’ai tout appris par moi-même. On ne peut pas parler d’une approche scientifique, mais je lis et j’étudie sans arrêt notre relation au vivant. Comme inspiration, je pense d’abord à Francis Hallé, un botaniste qui milite pour recréer une forêt primaire en Europe. J’adhère à son association depuis des années. L’intérêt scientifique de sa démarche est encore inédit en termes d’expériences et d’études. J’adore aussi lire Le grand traité du jardin punk, un ouvrage d’Éric Lenoir. Je crois que si l’on a la chance d’être propriétaire d’un bout de terrain, on a presque l’obligation d’y développer de la vie. Dans ma future maison, l’aménagement sera minimaliste. Je n’accumule pas, je préfère l’esprit de sobriété parce que mon atelier est déjà très chargé. Et pour l’instant, mon salon fait surtout office de stockage d’œuvres. J’y ai accroché des pièces de mes pairs, comme des amis rencontrés en résidence d’artistes en Amérique du Sud. Je me réjouis d’être entourée pendant Art Brussels de sculpteurs que j’admire : Henrique Oliveira, Julian Charrière (dont je suis fan depuis longtemps) et Nils Udo. Ma collaboration avec Ruinart coulait de source, tant j’ai été touchée par le soin que la Maison investit dans la création de ses champagnes avec une expertise et un savoir-faire élevés au rang d’art. Les recherches qu’elle mène pour rendre leur production vertueuse sont passionnantes. Elle collabore avec des vitiforestiers qui étudient le rapport des vignes et de leur environnement, leur impact sur la micro et la macrofaune. Ses recherches sont aussi rendues publiques, pour que d’autres viticulteurs puissent en profiter. Et de mon côté, je continue de cultiver la diversité dans ma production artistique…