Une naissance en Russie, un apprentissage à l’école talmudique et un départ à l’âge de 10 ans pour les États-Unis, où s’installe sa famille afin d’échapper aux pogroms. Est-ce cette enfance européenne qui fait de Mark Rothko (1903-1970) un intellectuel imprégné de la pensée de Nietzsche, de Freud et de Jung autant que de mythologie grecque ? Compagnon de route des expressionnistes abstraits, proche des surréalistes, il n’en voue pas moins une admiration sans bornes à Fra Angelico (1387- 1455) ou à Matisse, auquel il dédie d’ailleurs, en 1953, l’une de ses toiles (qui sera vendue 22,5 millions de dollars chez Christie’s, en 2005).
D’abord inspiré par le métro new-yorkais ou par le bord de mer, il s’écarte brusquement des canons académiques de la figuration pour, écrit-il, « exprimer les émotions humaines fondamentales ». Son ambition : « …élever la peinture pour qu’elle soit aussi poignante que la musique et la poésie. »
Seule importe la couleur
Les compositions de Mark Rothko évoluent jusqu’à devenir de larges bandes colorées aux contours irréguliers, que le critique d’art américain Clement Greenberg dénomme la Color Field Painting. Seule importe la couleur, vectrice d’émotions. Néan- moins, l’artiste refuse d’être qualifié de « coloriste ». Il prévient : « À ceux qui pensent que mes peintures sont sereines, j’aimerais dire que j’ai emprisonné la violence la plus absolue dans chaque centimètre carré de leur surface. »
Mark Rothko, humaniste abstrait
D’ailleurs, dès la fin des années 50, il privilégie des tonalités plus sombres. En témoignent 14 toiles monochromes, teintées de violet-bleu, présentées dans la chapelle Rothko, à Houston. C’est le parcours artistique de cet « humaniste abstrait » que retrace cette exposition, qui se clôt sur la série des « Black and Grey » (1969-1970), une « cathédrale en noir et gris, déclare Suzanne Pagé, commissaire de cet événement, balisée de sculptures de Giacometti, artiste admiré dont il partageait, avec un doute taraudant, l’humanisme et la science de l’espace ».
> « Mark Rothko » à la Fondation Louis Vuitton, 8, avenue du Mahatma Gandhi, 75116 Paris (FR), jusqu’au 2 avril 2024.
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