Tabler sur deux éléments

Image à la une: Focus sur la table Salt-Root (dimensions 200 x 80 x 75), le bois de Kambala Iroko prélevé en Afrique occidentale est posé sur 115 kg de sel, poids final environ 150kg.
© Mathias Van Duüren

Grandir en pleine nature l’a prédisposé à s’intéresser, toucher, sculpter le bois. Le designer belge Igor Louis de Kerchove produit dans son atelier de Lisbonne des tables au plateau de bois emboîté sur des pieds de sel solidifié. Mélange de matières brutes pour un rendu organique : le bois pour l’aspect terre, le sel pour l’aspect mer. Rencontre avec le designer autour d’une table, évidemment !

Portrait d’Igor Louis de Kerchove posé sur sa table Salt-Root. © Mathias Van Duüren

 

Après des études dans le monde du business à Bruxelles, le créatif Igor Louis de Kerchove sent que son avenir est ailleurs, dans une activité plus proche de la nature. « J’ai toujours eu une passion pour le bois, sa couleur, son odeur… », raconte le designer. Grâce au hasard de rencontres, il prend le chemin du Portugal et se lance dans des études à la Fondation Ricardo de Espirito Santo Silva (FRESS). Une institution qui date des années 50, dont le but est la préservation des métiers des arts décoratifs. Si l’héritage d’un patrimoine ancestral semble être la raison de vivre de l’institution, Igor va bientôt la transcender et utiliser ses techniques pour plonger dans le design contemporain. Très vite, après ses deux années d’études à la FRESS et un stage réussi chez le designer Mircea Anghel, il sent que le bois ne lui suffit plus, qu’il est prêt à le twister à un autre élément. D’abord la pierre, qu’il sculpte avec brio, et ensuite le sel. « J’avais envie d’inventer une matière, de créer un processus de production, une matière disponible sur terre. Je me suis alors tourné vers le sel, en regardant l’océan depuis les côtes du Portugal. Grâce à un procédé innovant, je parviens à solidifier le sel. Il devient alors aussi dur que de la pierre. Ce processus unique lui confère une texture minérale et un aspect proche du marbre blanc. » Mais l’innovation d’Igor ne s’arrête pas là : « J’unifie ensuite les pieds de sel au plateau en bois, à l’aide d’emboîtements spécifiques. Mon autre défi est de lier ces deux matières, aux propriétés naturellement opposées. Le bois est en effet sensible à l’humidité alors que le sel est hygrophuge : il attire l’humidité de l’air en permanence. » Permettre à une matière solide qui ne bouge pas de s’articuler en mouvement, c’est là le secret de réussite des tables d’Igor. « J’aime les tables, comme objet qui permet de rassembler l’art à l’utile. Ce meuble réunit les gens, on fait tant de choses sur une table ou autour d’une table. C’est cette dimension humaine du design qui me fait vibrer. » En novembre 2025, Igor proposera son grain de sel à la galerie App’Art à Bruxelles.